23 septembre 2010: Rencontre littéraire avec Leonid Guirchovitch
Pour sa 20ème édition, le festival Est-Ouest de Die a choisi de s’inscrire dans le cadre de l’Année France-Russie 2010 avec la thématique suivante : Sur les traces du Transsibérien et ainsi, de revenir pour la quatrième fois de son histoire sur l’un des pays auquel il a déjà consacré trois éditions (la première en 2001 – Sibérie, la seconde en 2002 – Moscou, la troisième en 2004 – Volga) : la Russie.
A cette occasion, une tournée des écrivains invités est organisée et la Maison de Rhénanie-Palatinat accueillera l’écrivain russe Leonid Guirchovitch. Né en 1948, dans une famille de musiciens, Leonid Guirchovitch a fait des études de violon au Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Il a quitté l’URSS dans les années soixante-dix pour Israël et vit en Allemagne depuis près de vingt ans. Premier violon à l’Opéra de Hanovre, son œuvre comprend plusieurs romans et des essais sur la musique.
– Apologie de la fuite
S’il fallait user des catégories littéraires classiques, Apologie de la fuite pourrait être lu comme un roman d’éducation : c’est l’histoire d’un adolescent aux prises avec le monde des adultes. Preis a perdu sa mère lorsqu’il était bébé (on lui a dit qu’elle s’était noyée), et a été élevé par son père, remarié avec une indigène. Preis est peintre. Son enfance s’est déroulée dans la contrée imaginaire d’Ijma, située dans une région perdue de la Sibérie et peuplée pour une part d’indigènes, mais surtout de… Juifs soviétiques, relégués ici en 1953, comme ce fut prévu par Staline.
Livrés à eux-mêmes, les survivants reproduisent un mode de vie qui devient la quintessence du modèle soviétique. Le langage, surtout, est l’objet d’étranges déformations : les mots empruntés à la propagande, transportés loin de la source du pouvoir, vivent leur aventure propre, qui atteint à la folie. Le livre, sur lequel plane l’ombre de Chostakovitch, a une structure musicale. Il conjugue une réflexion des plus subtiles sur la question de l’identité à une aventure de langage déstabilisante cocasse et jubilatoire.
(Ed. Verdier)
– Têtes interverties
Têtes interverties est un roman policier. Au début des années quatre-vingt, après une année passée en Israël, le narrateur, un jeune violoniste russe originaire de Kharkov, est engagé comme co-soliste dans l’orchestre d’opéra d’une grande ville d’Allemagne de l’Ouest, Zickhorn.
Par un concours de circonstances extraordinaire, il découvre que son grand-père, violoniste également, que sa famille croyait fusillé par les Allemands en 1941, a travaillé dans l’orchestre de Rotmund en 1943, protégé par le grand compositeur nazi Gottlieb Kunze. Les recherches qu’il tente auprès des proches de Kunze l’entraîneront dans un labyrinthe où des révélations l’attendent à chaque pas, notamment sur sa propre famille, tout comme de nouvelles énigmes. Nous recommanderons au lecteur de ne pas chercher Zickhorn sur la carte. Il serait également inutile de se plonger dans des encyclopédies en quête de la biographie de Kunze, malgré la réalité convaincante de ce personnage enraciné dans la vie musicale sous le IIIe Reich et dans le destin de l’Europe, ami de Goebbels, rival de Strauss, cible des critiques de Stravinski, auteur de l’opéra Têtes interverties auquel Thomas Mann empruntera son titre pour un de ses livres.
Sous cette forme captivante qui permet plusieurs niveaux de lecture, l’auteur, lui-même premier violon à l’opéra de Hanovre enchevêtre sa méditation sur l’exil et la question des origines à l’histoire de la culture européenne et, tout particulièrement, de la musique. (Ed. Verdier)
Lecture en français à 19h30 à la Maison de Rhénanie-Palatinat.